La Ministre des Eaux et Forêts confirme son soutien aux exploitants forestiers indélicats.
Communiqué de Presse.
Depuis quelques années nous assistons, malgré des efforts en matière de législation et des plans d’aménagement forestier, comparativement aux pays voisins du Gabon, à une recrudescence de l’exploitation forestière illégale à la fois par des compagnies en majorité à capitaux asiatiques détentrices de permis forestiers légaux et par des clandestins opérants avec la complicité des fonctionnaires du ministère des eaux et forêts.
Par Brainforest
- 25/05/2017 à 20:14:46 - Modifié le 25/05/2017 à 20:18:06
Lors de sa création en 1998 Brainforest s’est engagée à œuvrer pour la lutte contre l’exploitation frauduleuse de nos ressources forestières. Et depuis quelques années, nous constatons que de nouveaux opérateurs opèrent en violation des dispositions de la loi forestière et des règles régissant l’exploitation forestière dans notre pays. Le cas de l’exploitation illégale du Kevazingo ayant défrayé la chronique les années antérieures et qui continue malgré de nombreuses arrestations tant des opérateurs véreux que certains hauts fonctionnaires de l’administration en charge de la forêt en est une parfaite illustration. Fort est de constater que certains fonctionnaires et autres exploitants indélicats impliqués dans ces pratiques illicites ont repris allègrement leurs activités, narguant ainsi les magistrats et autres acteurs en lutte contre la très haute corruption dans le secteur forestier.
Plusieurs initiatives sont en cours pour tenter de venir à bout de ce fléau qui prive l’Etat gabonais des ressources considérables. C’est le cas notamment du développement de schémas volontaires de certification forestière, de la mise en place du Forest Law Enforcement of Governance and Trade (FLEGT) et Lacey Act par des instances européennes et américaines. Depuis plusieurs années donc, le processus FLEGT peine à se mettre réellement en place à cause des pesanteurs enregistrés au niveau de l’administration des eaux et forêts.
Ensuite vint le projet dénommé CAF (Contrôle de l’Aménagement Forestier) mis en place par le Ministère de la Protection de l’Environnement, des Ressources Naturelles, de la Forêt et de la Mer (MPERNFM) sous financement de la France, représentée par l’Agence Française de Développement (AFD) et du Gabon, représenté par le Ministre de l’Economie, à travers l’Accord de Conversion de la Dette. Ce projet, placé sous la tutelle administrative du Secrétariat Général du ministère en charge des forêts et avec la collaboration de la Direction Générale des Forêts, a une durée de cinq ans pour un budget de douze millions d’euros soit près de 8 milliards de cfa.
Il vise à préserver et à pérenniser le capital naturel du Gabon par une valorisation durable de ses ressources forestières tout en s’assurant de l’efficacité de l’application des plans d’aménagement forestier, de la légalité et de la gestion forestière ainsi que du contrôle de l’exploitation forestière. Il a pour objectifs spécifiques de :
- Renforcer les moyens de réalisation du contrôle des plans d’aménagement forestier et de l’exploitation forestière ;
- Renforcer les capacités techniques des services centraux et déconcentrés, en matière de contrôle de l’aménagement forestier ;
- Développer l’efficacité de la qualité du contrôle de l’aménagement forestier.
Dans le cadre des missions ci-dessus mentionnées, le projet CAF a mené récemment une mission inopinée dans la province de l’Ogooué Ivindo. Cette mission a permis au CAF (une équipe de 60 personnes et 5 chiens renifleurs, de réaffirmer son engagement à poursuivre la conscientisation et la moralisation du secteur forestier, de veiller aux bonnes pratiques de la gestion forestière et faunique et surtout de demeurer mobilisé face à la destruction de la forêt gabonaise qui pourrait ne pas se régénérer, si le massacre ne cesse pas, au profit du bien-être social des communautés villageoises et des générations futures.
De cette mission il ressort des constats accablants suivants : « Les sociétés forestières volent à l’Etat ». Pour illustrer le gaspillage et l’importante évasion fiscale que la Mission reproche aux opérateurs économiques investis dans le secteur du bois, il a été démontré, par exemple que les deux sociétés majeures qui opèrent dans cette province, à savoir KHLL et WCTS, se sont en trois ans amusés à dissimuler des milliards de CFA, qui ont pris des destinations inconnues.
La première simulation montre comment une entreprise a gagné un peu plus de 532 millions de CFA en exploitant une essence protégée et en surexploitant d’autres essences. De façon globale, ladite société a exploité le Mukulungu dans son permis. Cette essence classée « protégée » n’aurait pas dû être coupée. Et pourtant, elle s’est rendue coupable d’avoir fait tomber 481 grumes de ce bois précieux et protégé. 241 grumes ont été débitées et vendues au prix moyen de 30.000 Cfa le m3 hors frais d’exploitation soit 72.150.000 Cfa pour un coût de revient de 34.872.500 et une marge de 37.277.500 cfa. A cela, il faut ajouter les recettes tirées des volumes de bois coupés en trop (Le trop perçu en grumes) par rapport aux « Plan Annuel d’Opération » (PAO), document technique essentiel à la planification annuelle de coupe de bois sur pieds. C’est ainsi que ladite société a coupé illicitement 896 m3 de Bélinga (35.000 Cfa de marge sur le m3), 1991 m3 de Diétou, (32.000 de marge sur le m3), 72 m3 de Doussié (70.000 le m3 de marge sur le m3), 1047 m3 d’Ebiara (33.000 de marge sur le m3), 409 m3 d’Izombé (45.000 de marge sur le m3), 2331 m3 de Movingui (18.000 de marge sur le m3), 4692 m3 d’Okan (18.000 de marge sur le m3), 61 m3 de Pao Rosa (95.000 de marge sur le m3), 1875m3 de Sapelli (50.000 de marge sur le m3) et 2963 m3 de Tali (35.000 de marge sur le m3). Toutes ces infractions sont estimées à 532 millions de CFA au moins au courant de l’année 2016.
Face à la démonstration qui vient d’être faite, comment justifier la sortie de la ministre des eaux et forêts à travers un communiqué tendant à discréditer cette mission, communiqué diffusé sur les antennes des chaines de télévisions publiques et paru dans le quotidien l’Union ?
Faut-il rappeler à la ministre que le chef de mission, en tant qu’officier de police judiciaire (OPJ) se remet directement au procureur de République de la province dans laquelle il intervient en cas d’infractions constatées liés à l’exploitation de nos ressources et au braconnage ?
Cette sortie ne constitue-t-elle pas une preuve tangible qui atteste que la ministre voudrait protéger les exploitants indélicats? N’est pas une preuve évidente de la main mise de la mafia chinoise sur l’administration des eaux et forêts ? Comment un membre du gouvernement engagé dans un projet avec un partenaire comme l’AFD, tenterait de remettre en cause le travail accompli par une équipe en possession d’un ordre de mission signé par lui-même, avec tous les risques de voir le bailleur de fonds remettre en doute la sincérité de l’opération ?
Face à cette situation, Brainforest exhorte le projet CAF à reprendre les missions de terrain et condamne avec la dernière énergie, toutes les manœuvres tendant à freiner le travail des experts de la CAF à même de stopper l’élan dejà engagé pour mettre hors d’etat de nuire tous les opérateurs indélicats.
Brainforest rejette l’idée de compensation entretenue en filigrane dans le communiqué publié par la ministre, laquelle compensation est à l’origine de tous les cas de corruption dans le secteur forestier.
Enfin, Brainforest met en garde la ministre en charge des forêts contre toute forme de collusion avérée avec les opérateurs forestiers et se réserve le droit d’engager des actions d’envergure au plan national et international pour mettre un terme à cette complicité apparente entre la haute administration en charge des forêts et les opérateurs indélicats.
Fait à Paris, le 25 mai 2017
Marc ONA ESSANGUI
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